n° 18 - Discours d'écuyers : la position du cavalier

Cette semaine,
partez à la découverte de phrases méconnues d'écuyers à la tunique noire.
Si certaines des formules des écuyers du Cadre noir de Saumur sont devenues presque proverbiales, d’autres énoncés méritent aussi notre intérêt et notre attention. Cette seconde sélection se consacre à la position du cavalier du XIXe au XXIe s.
17/02/2021
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Si certaines des formules des écuyers du Cadre noir de Saumur sont devenues presque proverbiales, d’autres énoncés méritent aussi notre intérêt et notre attention. Cette seconde sélection se consacre à la position du cavalier du XIXe au XXIe s.
17/02/2021
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La position en selle du cavalier évolue et offre des variations au cours des siècles. Elle dépend du matériel utilisé (types de selle, avec ou sans selle, avec ou sans étriers), de la discipline pratiquée, du cheval mais aussi du cavalier. Essentielle pour la bonne communication entre le cavalier et sa monture, elle s'affine au fil de l'apprentissage pratique passant d'une position, parfois difficile à tenir, à une aide dynamique.
Sa compréhension et ses méthodes d'acquisition ont subi l'influence sociétale, s'enrichissant notamment des sciences pour passer d'une position statique à une posture dynamique (modélisation géométrique, mécanique, cybernétique, biomécanique) ou encore des pédagogies afin de prendre en compte le fonctionnement de l'élève dans une interaction avec l'environnement (empirisme, béhavioriste, cognitiviste).
Sans prétendre réaliser ici une étude exhaustive au fil des siècles, nous proposons un court cheminement, à travers trois citations, pour observer la manière dont les écuyers du Cadre noir ont décrit cette belle et bonne assise en selle et ce qui les a préoccupé à leur époque.
Au XIXe s., le Comte d'Aure est écuyer en chef du Cadre noir de 1847 à 1854. Formé à l'équitation de manège à l'Ecole de Versailles, il est cependant très intéressé par les courses et une pratique plus sportive. Une peinture par Philippe Ledieu le montre d'ailleurs en plein saut lors d'un steeple-chase de la Croix de Berny. Il est ainsi l'instigateur d'une équitation simplifiée et tournée vers l'extérieur.
Les militaires étaient alors en recherche d'une méthode d'équitation pour former rapidement et efficacement un grand nombre de cavaliers. Le Cours d'équitation du comte d'Aure, publié une première fois en 1850, est adopté par l'Ecole de cavalerie de Saumur. On y trouve des éléments sur le harnachement ou les doctrines des grands maîtres mais aussi un séquencage en leçons de l'apprentissage de l'équitation dans lequel apparaît la position à cheval. Défenseur d'une équitation instinctive régularisée, il cherche à former un cavalier (militaire) qui soit avant tout à l'aise et bien équilibré sur sa monture :
Principe de la position du cavalier sur le cheval
A la fin du XIXe et au début de XXe s., l'écuyer du Cadre noir Jacques de Saint-Phalle, se fait connaître pour ses exploits en dressage, notamment avec sa jument Mlle d'Etiolles. Décédé à 41 ans, il laisse cependant deux ouvrages : Dressage et emploi du cheval de selle et Equitation (composé de deux parties : équitation élémentaire et équitation savante).
La pensée hygiéniste qu'un corps en bonne santé participe d'une bonne santé mentale s'est installée au XIXe s. La fin de siècle voit la pensée du corps tendre vers une meilleure compréhension du système nerveux tandis que la psychologie se développe mettant en lumière la liaison qui s'opère entre le corps et l'esprit. Dans son deuxième texte Saint-Phalle aborde la position à cheval au stade de l'équitation élémentaire. On y retrouve la solidité mais aussi l'aisance qu'il repense néanmoins sous le vocabulaire de la décontraction à la fois mentale et physique :
La position
Au XXIe s., la question de la position à cheval est, encore et toujours, présente à l'esprit des écuyers du Cadre noir. Dans une démarche de recherche, déjà présente à l'époque de l'Ecole nationale d'équitation et désormais au sein de l'Institut français du cheval et de l'équitation, les scientifiques et les écuyers ont travaillé conjointement à repenser l'apprentissage de l'enseignement de l'équitation.
Le travail de la position du cavalier à cheval se fait désormais en prenant en compte son profil physique (préférences motrices, conformation anatomique) et psychologique (émotions et ressources cognitives) qui induisent des postures et des comportements différents. Les écuyers et chercheurs de l'IFCE se sont ainsi appuyés sur les approches ActionsTypes® et MBTI® pour rénover l'entraînement sportif en dressage, ce qui permet rétrospectivement de mieux comprendre certaines divergences dans la position en selle :
La posture du cavalier : petit retour en arrière
Pour aller plus loin :
Jean-Franck Girard, Dressage : construire et optimiser ses mises en selle, Belin, 2009.
Louis de Sévy, De la position à cheval à travers les âges suivie d'une étude sur "l'assiette" à cheval, Berger-Levrault, 1922. En ligne : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k6530010m
Sally Swift, L'équitation centrée, Vigot, 2019 [Centred Riding, 1985].
Le Cours d'équitation du Comte d'Aure sur Google books : https://books.google.fr/books?id=B-k9AAAAcAAJ&dq
L'Equitation de Jacques de Saint-Phalle sur Gallica : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k9611396s
L'entraînement sportif en dressage par l'IFCE - Cadre noir : https://www.ifce.fr/produit/l-entrainement-sportif-en-dressage/
Image en Une : Le capitaine de Saint-Phalle sur Marseille II lors d'un pas espagnol effectué en arrière ; photo issue de Dressage et emploi du cheval de selle, 1904 (2 éd.), p. 324. Source : Gallica / BnF
Sa compréhension et ses méthodes d'acquisition ont subi l'influence sociétale, s'enrichissant notamment des sciences pour passer d'une position statique à une posture dynamique (modélisation géométrique, mécanique, cybernétique, biomécanique) ou encore des pédagogies afin de prendre en compte le fonctionnement de l'élève dans une interaction avec l'environnement (empirisme, béhavioriste, cognitiviste).
Sans prétendre réaliser ici une étude exhaustive au fil des siècles, nous proposons un court cheminement, à travers trois citations, pour observer la manière dont les écuyers du Cadre noir ont décrit cette belle et bonne assise en selle et ce qui les a préoccupé à leur époque.
Au XIXe s., le Comte d'Aure est écuyer en chef du Cadre noir de 1847 à 1854. Formé à l'équitation de manège à l'Ecole de Versailles, il est cependant très intéressé par les courses et une pratique plus sportive. Une peinture par Philippe Ledieu le montre d'ailleurs en plein saut lors d'un steeple-chase de la Croix de Berny. Il est ainsi l'instigateur d'une équitation simplifiée et tournée vers l'extérieur.
Les militaires étaient alors en recherche d'une méthode d'équitation pour former rapidement et efficacement un grand nombre de cavaliers. Le Cours d'équitation du comte d'Aure, publié une première fois en 1850, est adopté par l'Ecole de cavalerie de Saumur. On y trouve des éléments sur le harnachement ou les doctrines des grands maîtres mais aussi un séquencage en leçons de l'apprentissage de l'équitation dans lequel apparaît la position à cheval. Défenseur d'une équitation instinctive régularisée, il cherche à former un cavalier (militaire) qui soit avant tout à l'aise et bien équilibré sur sa monture :
Principe de la position du cavalier sur le cheval
"Avant de démontrer les principes de la position type, il importe de faire observer que tous les cavaliers ne sont pas également susceptibles de la suivre en tous points. Les causes qui s'y opposent tiennent à certaines particularités de conformation qui ne sauraient se prêter rigoureusement aux exigences d'une position modèle ; vouloir que tous les cavaliers soient placés de la même manière à cheval, serait supposer qu'ils sont tous formés sur le même moule, et, on le sait, il s'en faut qu'il en soi ainsi. Or, l'instructeur intelligent s'attachera à étudier les dispositions physiques propres à chaque individu ; il comprendra les nuances qu'elles devront apporter dans l'application des principes généraux, et, s'attachant à l'esprit plutôt qu'à la lettre qui les a dictés, il saura les approprier aux particularités de conformation de chaque individu.
[...]
Les qualités d'une bonne position sont l'aisance et la solidité.
L'aisance est la conséquence de la position d'équilibre ; comme elle ne demande l'emploi d'aucune force pour se maintenir, elle peut se conserver longtemps sans fatigue, ce qui est indispensable pour le cavalier militaire, qui doit rester longtemps à cheval ; elle lui laissera aussi l'agilité du corps et des membres nécessaire pour manier ses armes dans le combat.
Evidemment, sans la solidité, on ne saurait être bon cavalier, puisqu'avant tout il faut se tenir à cheval ; elle est aussi la première condition de toute justesse dans les moyens de conduite." Antoine Cartier d'Aure, Cours d'équitation, H. Niverlet, 1852 (2e éd.), pp. 38-39
[...]
Les qualités d'une bonne position sont l'aisance et la solidité.
L'aisance est la conséquence de la position d'équilibre ; comme elle ne demande l'emploi d'aucune force pour se maintenir, elle peut se conserver longtemps sans fatigue, ce qui est indispensable pour le cavalier militaire, qui doit rester longtemps à cheval ; elle lui laissera aussi l'agilité du corps et des membres nécessaire pour manier ses armes dans le combat.
Evidemment, sans la solidité, on ne saurait être bon cavalier, puisqu'avant tout il faut se tenir à cheval ; elle est aussi la première condition de toute justesse dans les moyens de conduite." Antoine Cartier d'Aure, Cours d'équitation, H. Niverlet, 1852 (2e éd.), pp. 38-39
A la fin du XIXe et au début de XXe s., l'écuyer du Cadre noir Jacques de Saint-Phalle, se fait connaître pour ses exploits en dressage, notamment avec sa jument Mlle d'Etiolles. Décédé à 41 ans, il laisse cependant deux ouvrages : Dressage et emploi du cheval de selle et Equitation (composé de deux parties : équitation élémentaire et équitation savante).
La pensée hygiéniste qu'un corps en bonne santé participe d'une bonne santé mentale s'est installée au XIXe s. La fin de siècle voit la pensée du corps tendre vers une meilleure compréhension du système nerveux tandis que la psychologie se développe mettant en lumière la liaison qui s'opère entre le corps et l'esprit. Dans son deuxième texte Saint-Phalle aborde la position à cheval au stade de l'équitation élémentaire. On y retrouve la solidité mais aussi l'aisance qu'il repense néanmoins sous le vocabulaire de la décontraction à la fois mentale et physique :
La position
"La solidité du cavalier et la possibilité pour lui de se servir aisément de ses aides exigent impérieusement que sa position à cheval possède certaines qualités et l'esthétique veut que cette position ne soit ni ridicule, ni contrainte, mais paraisse, au contraire, élégante et aisée. Il y a là plus de raisons qu'il n'en faut pour que le cavalier cherche à donner à sa position par un travail et une attention soutenus, les qualités nécessaires.
[...]
[...]
Les qualités que, je viens d'énumérer appartiennent tout naturellement, sans aucune préparation et au degré où elles sont utiles, à tous les cavaliers, sans qu'ils aient besoin de les acquérir, et la position qui en résulte se prend d'elle-même si on ne la dérange pas par des contractions momentanées. Or, ces contractions sont dues à l'appréhension ; s'il ne craignait pas de tomber, le cavalier garderait la position que je viens d'indiquer : elle n'est autre, en effet, que celle qu'il prend de lui-même lorsqu'il est assis sur un tabouret ou un banc. Puisque donc cette position est naturelle, il n'y a pas à assouplir le cavalier pour la lui faire prendre, il suffit de faire disparaître l'appréhension qui l'en fait sortir." Jacques de Saint-Phalle, Equitation élémentaire, Legoupy, 1907, pp. 35-36
Au XXIe s., la question de la position à cheval est, encore et toujours, présente à l'esprit des écuyers du Cadre noir. Dans une démarche de recherche, déjà présente à l'époque de l'Ecole nationale d'équitation et désormais au sein de l'Institut français du cheval et de l'équitation, les scientifiques et les écuyers ont travaillé conjointement à repenser l'apprentissage de l'enseignement de l'équitation.
Le travail de la position du cavalier à cheval se fait désormais en prenant en compte son profil physique (préférences motrices, conformation anatomique) et psychologique (émotions et ressources cognitives) qui induisent des postures et des comportements différents. Les écuyers et chercheurs de l'IFCE se sont ainsi appuyés sur les approches ActionsTypes® et MBTI® pour rénover l'entraînement sportif en dressage, ce qui permet rétrospectivement de mieux comprendre certaines divergences dans la position en selle :
La posture du cavalier : petit retour en arrière
"Tout au long de l'histoire, les écuyers portent une grande attention à leur position ou posture, que tous reconnaissent comme étant un point fondamental de la qualité de leur monte. Des évolutions certaines apparaissent notamment en fonction du matériel, et plus précisément l'apparition de la selle à arçon puis celle des étriers. Cependant, l'unité de position n'est pas forcément de mise, et ce, de la Renaissance à nos jours : certains préconisent les épaules reculées, d'autres veulent de la verticalité ; les talons sont plutôt descendus sous le plancher de l'étrier ou inversement ; les genoux sont ''liants'' ou serrés, les jambes ''tombantes'' ou actives.
Ce vieux débat entre buste en avant ou épaules reculées, entre jambes droites ou jambes pliées trouve un écho dans les récentes découvertes sur les préférences motrices de ''marche par le haut'' ou ''marche par le bas'' que nous allons évoquer plus tard. Il y a tout lieu de penser que les grands écuyers exprimaient ce qu'on appelle aujourd'hui des préférences motrices et que les chefs de file étaient copiés par les autres sans que cela convienne nécessairement à tout le monde." Collectif, L'entraînement sportif en dressage, vers une pratique rénovée, Ifce, 2018, p.19.
Pour aller plus loin :
Jean-Franck Girard, Dressage : construire et optimiser ses mises en selle, Belin, 2009.
Louis de Sévy, De la position à cheval à travers les âges suivie d'une étude sur "l'assiette" à cheval, Berger-Levrault, 1922. En ligne : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k6530010m
Sally Swift, L'équitation centrée, Vigot, 2019 [Centred Riding, 1985].
Le Cours d'équitation du Comte d'Aure sur Google books : https://books.google.fr/books?id=B-k9AAAAcAAJ&dq
L'Equitation de Jacques de Saint-Phalle sur Gallica : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k9611396s
L'entraînement sportif en dressage par l'IFCE - Cadre noir : https://www.ifce.fr/produit/l-entrainement-sportif-en-dressage/
Image en Une : Le capitaine de Saint-Phalle sur Marseille II lors d'un pas espagnol effectué en arrière ; photo issue de Dressage et emploi du cheval de selle, 1904 (2 éd.), p. 324. Source : Gallica / BnF
Liens
- La position en selle sur le Portail documentaire de l'IFCE
- Courte vidéo sur Antoine Cartier d'Aure par la Mission française pour la culture équestre
- Biographie du Capitaine de Saint-Phalle par les Amis du Cadre noir
- Interview du Colonel Patrick Teisserenc sur le livre L'Entraînement sportif en dressage