n° 19 - Femmes et chevaux

À l’occasion de la journée des droits des femmes, nous vous proposons cette semaine de découvrir, en quelques dates et personnalités, l’évolution de la place des femmes dans le monde du cheval en France.
08/03/2021
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La possibilité de monter à califourchon
Si les femmes montent aujourd’hui, pour la plupart, à
califourchon, cette posture ne leur a pas toujours été possible. Au Moyen-âge,
on trouve des exemples de monte féminine tantôt à califourchon, tantôt "à la planchette" (les deux jambes du même côté mais assise perpendiculairement au cheval) selon les pratiques équestres. C’est à l’époque moderne que la position en
amazone émerge avec l'invention des fourches et commence à être valorisée dans les cours européennes. Mais c’est plus particulièrement au XIXe s. et début du XXe s.
que s’impose une monte en amazone pour les femmes. Il ne s’agit pas d’une
obligation légale mais d’une pression morale et sociétale. C’est la convenance
et la bienséance qui voulait qu’une femme ne monte pas à califourchon. La
position en amazone préservait selon les dires la « vertu » des dames…
Cet état de faits évolue un peu avec l’arrivée du bloomer (pantalon bouffant) anglais et de la jupe-culotte que vont populariser la maison Bechoff-David et le couturier Paul Poirier à partir des années 1910. Ses nouveaux habits contribuent à la pratique sportive des femmes et par la même à l’émancipation féminine : ils permettent une plus grande liberté du corps. C’est finalement à l’entre-deux-guerres que la monte à califourchon devient pleinement acceptée.
10-5-25, concours hippique [au Champ-de-Mars, saut d'une cavalière montant en amazone] : [photographie de presse] / [Agence Rol]. Source : Gallica/ BnF
L’exercice de certaines pratiques et métiers
Pendant l’année 1833, l’écuyère Caroline Loyo effectue la première représentation de haute école en amazone. De nombreuses écuyères la suivront telle Isabelle Chinon ou Blanche Allarty. Ces écuyères avaient une place à part, pouvant ainsi monter à califourchon et prendre l’habit masculin. Elles brouillaient, pour certaines, les frontières entre les hommes et les femmes mais sans pour autant que cette transgression dépasse les limites du lieu de spectacle.
En 1858 paraît ce qui semble être le premier ouvrage théorique et technique sur l’équitation écrit par une femme. La théorisation équestre et le dressage des chevaux étaient encore à l’époque l’apanage des hommes. Il s’agit de Dressage par le surfaix-cavalier des chevaux de cavalerie, d'attelage et de course écrit par Marie Isabelle. Des témoignages, d’hommes, la portraiturent comme une intrigante et une piètre femme de cheval. Elle est notamment connue pour avoir tenté de faire adopter sa méthode de dressage à l’Ecole de Saumur lorsque le comte d’Aure y était écuyer en chef. La présence d’une femme et, qui plus est, d’une civile qui enseigne n’a pas été bien accueillie.
En 1907, la société parisienne s’émeut devant les deux premières femmes cochères, Clémentine Dufaut et Eugénie Charnier. Leur incorporation fait l’objet de nombreux reportages qui les instaurent en héroïnes lorsqu’elles surmontent les difficultés ou virent au burlesque avec une tonalité grivoise (accident, comportement déplacé des clients). Les propos quant à l’incapacité physique ou mentale de leur sexe, les responsabilités domestiques (« Qui va repriser les chaussettes ? ») sont courants, accompagnés parfois d’actes malveillants ou d’attaques physiques. Elles ne sont pas non plus particulièrement soutenues par la presse féministe de l’époque. Néanmoins d’autres suivront telles les sœurs Blanche, Victoria Etienne, Marie Moser, Inès Decourcelle. La figure de la femme-cocher se diffuse dans la société, un film est réalisé en 1911 par Henri Desfontaines et la femme-cocher devient même un élément décoratif présent sur de la vaisselle ou des supports de publicité.
D’autres métiers s’ouvrent aux femmes par la suite. En 1937, Jeanne Miquel est la première femme de nationalité française titulaire d'un diplôme de médecine vétérinaire. Le 8 janvier 1970, Claude Moreaux obtient une autorisation d’entraîner en courses, elle est la première femme entraîneur. En octobre 1980, Florence Labram devient la première femme écuyer au sein du Cadre noir de Saumur. Suivra peu après elle, Mireille Belot. Désormais, elles sont trois femmes écuyers : Nadèje Bourdon, Laurence Sautet, Pauline van Landeghem.
Source : Retronews/ BnF
L’accession à la compétition de haut niveau
En 1900 à Paris, des femmes participent aux premiers jeux olympiques, notamment dans certaines disciplines des sports équestres. L’entrée en compétitions équestres des femmes en France ne s’effectue véritablement qu’à partir de 1952 pour la discipline du dressage. Elle survient deux ans après la sortie française du film Le Grand national adaptée du livre National Velvet de la romancière américaine Enid Bagnold, un livre qui mettait en scène une jeune fille qui concourt à une compétition. L’ouverture aux compétitions de saut d’obstacles se fait en 1956, celle au concours complet en 1964.
C’est cette même année 1964 que la France voit sa première femme médaillée olympique : Janou Lefèbvre sur le cheval Kenavo D. Il s’agit d’une seconde place en cso par équipe avec Pierre Jonquères d'Oriola sur Lutteur B et Guy Lefrant sur Monsieur de Littry. Janou Lefèbvre réitère quatre ans plus tard aux JO de Mexico avec le cheval Rocket au côté cette fois-ci de Marcel Rozier sur Quo Vadis et Pierre Jonquères d'Oriola sur Nagir. En 1988 à Séoul, Margit Otto-Crépin devient la première femme française médaillée olympique en dressage sur Corlandus avec une deuxième place en individuel. En 1966 à Atlanta, c’est Alexandra Ledermann sur Rochet M qui remporte le bronze en cso individuel. Enfin, on peut citer la première médaille d’or par équipe en cso de Pénélope Leprévost sur Flora de Mariposa en 2016 à Rio aux côtés de Roger-Yves Bost sur Sydney Une Prince, Philippe Rozier sur Rahotep de Toscane et Kevin Staut sur Rêveur de Hurtebise.
Le monde des courses suit un trajet similaire. Si pour la première fois, deux courses réservées aux femmes se courent à l’hippodrome de Maisons-Laffitte le 2 juillet 1932, la première course officielle ne se déroule que le 5 mars 1961. La première victoire féminine dans une course mixte sera le fait d’Anny Kurtz qui remporte une course de haies le 17 septembre 1972 à Nancy. En 1984, c’est Darie Boutboul qui gagne une course du tiercé. Plus récemment, le 29 avril 2016, la jockey et driveuse Pauline Prod’homme devient la première femme à gagner dans les trois disciplines des courses (plat, obstacle et trot).
Rambouillet, 19-8-28, Prix des dames, Ange Pitou [cheval de course] drivé par Mme Villenave : [photographie de presse] / [Agence Rol]. Source : Gallica/ BnF