n° 31 - La "cuisine" équestre du Cadre noir

Cette expression de « cuisine équestre » est connue pour être présente chez le général Decarpentry qui l’a employé dans la conclusion de l’avant-propos de son Equitation académique (1949) :
« Ce livre n’a rien d’un corps de doctrine. Ce n’est même pas non plus l’exposé d’une méthode, mais un répertoire de procédés classés dans l’ordre de leur emploi, et, en somme, un simple manuel de cuisine équestre. »
Cette comparaison à un livre de recettes de cuisine est également employée par un autre écuyer du Cadre noir, le commandant Licart, dans son livre Dressage paru chez Delmas en 1954. En effet, il débute ses « Considérations sur le dressage » par un premier chapitre portant « Sur la méthode » dans lequel apparaît de nouveau cette idée de « cuisine » équestre :
« La plupart des cavaliers qui entreprennent le dressage d’un cheval ou dirigent des dressages procèdent très souvent sans méthode. Ils savent bien que le dressage consiste à rendre le cheval maniable, mais c’est insuffisant. […]
Un dressage irraisonné a bien des chances d’aboutir à la rétivité. D’où nécessité d’une méthode, d’une progression vers des buts successifs logiquement ordonnés, d’un chemin qui doit mener le cheval de l’ignorance au savoir. […]
Une méthode de dressage ne consiste pas à exposer chronologiquement, dans un ordre même très logique, une succession de figures de manège. Ceci n’apprend rien aux cavaliers, et les figures de manège n’ont aucune vertu propre. Un ouvrage sur le dressage qui expose un dosage, aussi savant soit-il, de figures de manège fait l’effet d’un livre de recettes de cuisine.
[…]
Les progrès [des élèves] ne viennent pas de l’exécution de tel ou tel mouvement. Ce qui importe, c’est de savoir pourquoi il faut les faire et comment faire pour les bien faire. »
Le commandant Licart pointe plusieurs phénomènes dans son chapitre : le manque de méthode des cavaliers, les risques d’un dressage manquant d’ordre et le défaut pédagogique de certains enseignants et ouvrages : celui qui vient à exposer ou faire faire des exercices sans en expliquer la raison.
L’important pour Licart n’est finalement pas de savoir
quelle recette est utilisée mais plutôt de connaître le contexte qui a conduit
a employé cette recette.
C’est l’explicitation de l’utilité du procédé à l’instant T de la progression et bien sûr la manière de bien réaliser l’exercice qui doivent être les enjeux pédagogiques de l’élève et du cheval pour l’enseignant, que ce soit à l’oral ou dans ses écrits.
Image : (c) Alain Laurioux