n° 32 - Le patrimoine équestre entre recherches et valorisation

En 1972, le décret actant la création de l'Ecole nationale d'équitation précise les missions de l'ENE, parmi celles-ci se trouvent "Constituer un centre de documentation dans le domaine de l’enseignement et de la pratique de l’équitation" et "Assurer le maintien et le rayonnement de l’équitation française". Ces deux missions ouvrent la voie à une démarche de constitution et de valorisation d'un patrimoine équestre matériel et immatériel du côté institutionnel.
En 1987, dix-neuf voitures hippomobiles du Haras national du Pin ont été protégées au titre des Monuments historiques.
La dynamique universitaire sur le patrimoine s'amorce avec des études en sciences humaines et sociales sur le cheval et l’équitation. Celle-ci a été initiée en France à la fin du XXe s. avec des premiers travaux fondateurs telles les thèses d’Yves Grange (histoire politique) sur les aspects socio-politiques de la relation humain-cheval, de Jean Lagoutte (sociologie) sur les idéologies, croyances et théories de l'équitation, de Corinne Doucet (histoire) sur les académies d'art équestre ou encore celle de Vérène Chevalier (sociologie) sur la démographie sportive dans les centres équestres. Des ouvrages sont également publiés, ceux de Bernadette Lizet (ethnologie) sur le cheval de trait ou encore de Nicole de Blomac (histoire) sur les courses hippiques.
En 1993, un premier bilan archivistique sur les sources de l’histoire du cheval dans les archives publiques françaises est effectué afin de faciliter l’accès aux ressources pour les études futures.
Durant cette même période des colloques s’organisent pour se succéder jusqu’au début des années 2000 notamment sous l’impulsion de l'historien Daniel Roche, Daniel Reytier et de l'anthropologue Jean-Pierre Digard. Les thématiques abordées sont variées : l'équitation et la société, les écuries royales, les attelages et voitures hippomobiles, le cheval et la guerre, le cheval à l’époque médiévale, les écuyers, amazones et cavaliers.
En parallèle, l’Ecole nationale d’équitation organise également des colloques menés par Patrice Franchet d’Espèrey qui abordent des thèmes plus équestres : la posture du cavalier, la pédagogie, l’éthologie, le sport et l’art équestre.
Les années 2000 voit la publication de livres portant sur le patrimoine équestre en hausse du fait de l’édition des actes des colloques susmentionnés mais aussi d’autres ouvrages tels la trilogie de Daniel Roche sur la culture équestre occidentale, l’ouvrage sur les voitures hippomobiles de Jean-Louis Libourel, la thèse de Catherine Tourre-Malen sur la féminisation de la pratique équestre ou encore celle de Caroline Hodak-Druel sur le cirque au XVIIIe et XIXe s.
En 2009, un bilan universitaire est effectué dans un éditorial par Jean-Pierre Digard : Qu'ont à voir les sciences sociales avec le cheval ?
En 2011, l'Equitation de tradition française est inscrite au patrimoine immatériel de l'Unesco. Dans le dossier porté par le Cadre noir et l'Institut français du cheval et de l'équitation (IFCE), il est notamment mentionné les savoir-faire et être de cette équitation, le patrimoine écrit avec les ouvrages fondateurs des écuyers français mais aussi les métiers et connaissances qui gravitent autour de cette pratique équestre (sellerie, soins, maréchalerie, bottier, etc.)
La même année est lancée un programme pluriannuel du ministère de la Culture et de la Communication intitulé « Le cheval et ses patrimoines ». Ce programme aboutit à la création d’un site internet pour mettre en lumière les différents patrimoines liés au cheval et à une publication dans la revue du ministère In Situ de deux numéros spécifiques en 2012 et 2015 qui offrent un panel des différents patrimoines : ceux issus de l’histoire du cheval et de l’équitation française, les collections existantes, l’iconographie, le patrimoine du cheval au travail.
Depuis 2010, des campagnes de numérisation sont réalisées qui permettent la mise à disposition de nombreux ouvrages présents dans les bibliothèques de l’IFCE, de l’Ecole vétérinaire d’Alfort, du Château-Musée de Saumur et du Musée de la cavalerie sur le portail Gallica de la Bibliothèque nationale de France. Celui-ci présente désormais une section Patrimoine équestre | Gallica
Loin d’être anodine, cette accessibilité numérique des documents a permis à de nombreux chercheurs et chercheuses de mener à bien leurs recherches.
Parallèlement, les manifestations et publications scientifiques se perpétuent notamment avec les Journées des patrimoines du cheval de l’ESTHUA. Les sujets de recherche sont de plus en plus variés, pour n’en citer que trois : l’évolution sociétale et les implications sur la relation de travail anthopoéquine (Vanina Deneux-Le Barh, sociologie), la chevalerie au féminin (Sophie Cassagnes-Brouquet, histoire) ou bien le rôle et l’enjeu du tourisme dans la patrimonialisation équestre (Sylvine Pickel-Chevalier, géographie).